Michel Wichegrod
photographies
Suite de Au Sorcières Cabaret I
... J'avais été bien accueilli, traité correctement, je dirais même choyé par moments. J’avais mon appareil photo, j’avais demandé si je pouvais faire des portraits. La majorité des filles – comment faut-il dire au juste ? c’était quoi ? des sorcières, vraiment ? des gorgones ? des Circés ? des sirènes ? mais elles fumaient des cigarillos et buvaient des cocktails ! – s’étaient prêtées de bonne grâce à de brèves séances de pause. Elles étaient sans cesse affairées, et de mon côté je préférais ne pas traîner : on fait vite quand on n’est pas rassuré ou qu’on a intérêt à ne froisser personne. Avec d’autres, moins amicales, j’avais fait encore plus vite, et ce sont peut-être les photos les plus réussie. Ça s’était passé dans les coulisses. Je n’avais pas pu arriver jusqu’aux loges. Elles n’avaient pas voulu que je vois les loges. Je m’étais dit qu’il valait peut-être mieux que je ne les vois pas. On ne sait pas, quand on s’enfonce dans ce genre d’endroits, de combien de degrés d’obscurité il peut être fait, sur quoi on peut tomber au cours de cette progression, ce qu’on risque de voir à la fin, s’il y a assez de lumière pour qu’on y voit quelque chose et s’il y a une fin.
Il n’y en avait pas. Je m’étais réveillé – si c’était ça, se réveiller – à l’aéroport, j’étais rentré, j’avais dormi – si c’était ça, dormir. Mais les photos sont là – si c’est ça, des photos –, que j’ai retrouvées trente ans après. Je ne sais toujours pas où était ce cabaret des sorcières, mais je dois avoir quelque part d’autres clichés de cette nuit-là. Il faut seulement que je me réveille ou que je me rendorme et que je mette la main dessus.